La rivière des Outaouais, ce mur de Berlin

20 Mar 2014

Ce qui frappe lorsqu’on arrive à Ottawa, c’est de constater qu’après quelques journées vécues sur place, une véritable frontière traverse la ville. Je m’explique : Ottawa est située dans la province de l’Ontario, juste à la frontière avec la province du Québec dont elle n’est séparée que par la rivière des Outaouais, immense rivière, large comme trois fois la Seine, qui se jette dans le fleuve Saint Laurent, immense fleuve large comme cinq fois la Loire.

Ottawa, est donc la capitale fédérale du Canada, tandis qu’à quatre heures de route de là, Toronto est la capitale de l’Ontario. Autrement dit, à Ottawa le gouvernement fédéral (disons national pour simplifier) et à Toronto, les compétences provinciales (disons régionales pour simplifier également).

Revenons à Ottawa. D’un côté de la rivière, on a une ville 870 000 habitants, et de l’autre, sa petite soeur, baptisée Gatineau, (fruit de la fusion des villes de Hull, Gatineau, Aylmer, Buckingham et Masson-Angers en 2002), qui pèse 265 000 habitants. Ce qui en fait la quatrième plus grande ville du Québec, tout de même.

Sauf que les relations entre Gatineau et Ottawa sont importantes. Les flux de travailleurs, d’étudiants et de divers transports de marchandises et de capitaux de part et d’autre de la frontière provinciale sont tels que les ponts faisant les liaisons entre les deux villes sont fréquemment surchargés aux heures de pointe.

Ce qu’il y a de choquant, je trouve, c’est d’utiliser le prétexte de la frontière provinciale pour limiter les efforts de collaborations réelles entre les deux villes dont les habitants se regardent parfois en chien de faïence. D’un côté les francophones, de l’autre les anglophones, d’un côté les riches, de l’autre les pauvres (évidement, je caricature). Le coût de la vie est très différent d’une ville à l’autre (rien qu’à voir les loyers c’est hallucinant), tout comme la législation ou les avantages sociaux.

Entre deux foyers distants de moins de quelques centaines de mètres des deux côtés de la rivière, c’est le mur de Berlin. Alors évidemment, l’expression est métaphorique car la liberté de circulation est respectée, mais on a tout de même l’impression que Gatineau grandit péniblement dans l’ombre de sa voisine et qu’Ottawa regarde le Québec avec un peu de dédain.

Autre exemple, les transports en commun. Là, c’est un sketch pour un français qui arrive. Le temps de comprendre comment ça fonctionne, il est déjà temps de repartir ! Bon, OK, je fais un peu de mauvais esprit en faisant mon français de base (on va y venir à ça dans un prochain billet). Il n’empêche. Quand depuis Ottawa, en tant que simple piéton (pour des raisons économiques et écologiques), on veut visiter le Musée des civilisations (musée canadien de l’histoire maintenant), il faut être organisé. Quand on veut visiter le parc de la Gatineau, prendre du bon temps à Nordik Spa ou jouer au casino, il faut être suicidaire.

Alors que les géographes raisonnent, à raison, en terme d’aire métropolitaine ou d’aire urbaine, je ne comprends toujours pourquoi les villes n’ont pas fusionné dans une entité extraterritoriale où les élus pourraient enfin travailler ensemble, avoir des projets communs (genre le train léger qui passerait sous la rivière pour desservir les principaux sites de Gatineau), et préparer l’avenir d’une seule voix.

L’exemple le plus frappant est ce qu’il se passe aux Etats-Unis. Washington est situé dans le district de Columbia, entité extraterritoriale située à la frontière de plusieurs états.

A quand le district de la capitale nationale ? Une vraie entité qui valoriserait le bilinguisme, qui permettrait certainement de faire quelques économies de fonctionnement, d’attirer davantage d’investisseurs et de créer une image et une identité commune plus puissante.

Visiblement, le manque de volonté politique et le clivage entre le Québec et l’Ontario sont tellement importants que cette initiative n’est pas près d’aboutir. Dommage pour le Canada et dommage pour cette capitale nationale qui semble manquer d’ambition et préfère rester tranquillement dans l’ombre de Toronto et Montréal.

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